Faute de vols, prenez donc des volumes pour voyager
17 septembre 2021 Yves Pouchard Aucun commentaire Lire Brice Matthieussent, Fañch Rebours, Hong kong, Maureen Martineau, Nathalie Malzac, Tania James 3439 vues
Inde, Canada, Côte d’Ivoire, Hong-Kong… des destinations quasiment « enfermées » que beaucoup ont hâte de rencontrer ou redécouvrir. En attendant, il y a déjà la plume narratrice de vrais raconteurs d’histoires, plus ou moins vraies, qui permet par l’imagination de sauter dans un avion.
Départ immédiat vers l’Inde du sud dans les pas de Tania James pour « D’ivoire et de sang », sans doute une des pépites de cette rentrée littéraire.
On doit à Brice Matthieussent la traduction cette année, enfin, de ce roman paru en 2015 aux Etats-Unis et que le « New-York Times » classa alors dans sa sélection des meilleurs livres à ne pas manquer.
D’une écriture très cinématographique, « D’ivoire et de sang » débute par l’exécution d’une éléphante par des braconniers d’ivoire devant son jeune éléphanteau.
Toute sa vie, il se souviendra de l’odeur dégagée par ces hommes et dès qu’il l’a retrouvera, il tue, enseveli les corps sous des feuilles et se voit du coup surnommé « le fossoyeur » par les populations inquiètes des villages.
L’auteur fait virevolter en parallèle au récit de l’éléphant, celui d’un groupe de braconniers et celui d’une équipe de télé américaine en reportage.
Une plongée chez les défenseurs de la nature qui n’en sont peut-être pas tant que ça face aux intérêts locaux et l’argent de l’ivoire.
Tania James, indo-américaine, professeure à l’université George Mason de Fairfax (Virginie), manie avec brio les trois parcours chahutés où « le fossoyeur » pose finement les questions entre amour et trahison, devoir et loyauté, relations humains et animaux. Du très grand roman.
« D’ivoire et de sang » de Tania James. Editions Rue de l’Echiquier, collection Fiction. 256 pages.19€.
D’animaux et de grands espaces, il en est aussi question dans « Le silence des bois » de Maureen Martineau. Direction cette fois la Haute-Mauricie, région du Québec au Canada.
Lorie veut comprendre la mort horrible de sa mère un an auparavant au bord d’un lac où elles passaient toujours leurs vacances ensemble. Sauf l’année du drame.
Son enquête la fait recroiser un ami, protecteur de la faune, rencontré deux femmes énigmatiques en recherche de vengeance… dans un décor rude et sauvage où tout peut arriver et où ceux qui attirent la sympathie se révèlent parfois autres. Surprises garanties dans une ambiance thriller.
« Le silence des bois » de Maureen Martineau. Editions de l’Aube, collection Noire. 170 pages. 16€
En 1951, à bord d’un navire grumier (transport de troncs d’arbres) arpentant la côte occidentale d’Afrique, un bosco breton (maître de manœuvre) et un jeune « mouillé » Krou, docker-acrobate sur les troncs flottant à flanc du cargo, se rencontrent.
C’est d’après les archives et carnets d’embarquement de son grand-père retrouvés dans une malle que Fañch Rebours a imaginé « Krouman », ce roman à deux voix. Chacun des protagonistes raconte à tour de rôle sa vie d’avant, la rencontre et l’après la séparation.
Un récit ponctué d’accidents, conflits entre les Kroumen, ethnie du sud-ouest de la Côte d’ivoire, et les « blancs » qu’ils servent depuis des siècles, croyances fétichistes africaines, trafics en tout genre… par chance, le Breton et le Krou ont des caractères bien trempés.
L’auteur nous emmène dans un monde inconnu ou presque du grand public jusqu’à la chute quasi improbable mais que lecteur ne put s’empêcher d’espérer.
« Krouman » de Fañch Rebours. Editions Skol Vreizh. 208 pages. 16€.
Elles se prénomment Ahlyce, Rona, Jerilee et Rosa et ont pour point commun de quitter leur pays les Philippines vers le mirage de Hong-Kong
où des emplois de « maid » au service de riches familles leur permettraient de fuir la misère et nourrir les leurs restés là-bas.
Elles se lient d’amitié au centre de formation qui doit leur apprendre à tout faire dans une maison, de la cuisine locale au ménage en passant par changer les couches des bébés et des vieillards.
Leur sort, heureux ou pas, dépend de la famille où elles seront placées.
On suit donc le parcours de chacune, pas forcément rose, et leurs retrouvailles chaque dimanche, seul jour de repos, pour se raconter leurs quotidiens respectifs.
Nathalie Malzac est une habituée des allers retours entre la France et Hong-Kong où vit son fils et s’est donc intéressée à ces drôles de femmes de l’ombre, esclaves modernes aux destinées à rebondissement.
Loin de la thèse, ce roman, véritable voyage, raconte des tranches de vies concrètes et riches en anecdotes (et humour), belles ou moins.
« Maid in Hong-Kong » de Nathalie Malzac. Vérone Editions. 382 pages. 26€.
Yves Pouchard
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