L’ Alsace répand partout sa bière
19 mai 2017 Rédaction Aucun commentaire À la une du WeekEnd Alsace, bière, Brasseurs de France, Indian Pale Ale, Pascal Chevremont 3496 vues
Longtemps cantonné à l’Alsace, le houblon, épice essentielle de la bière, cherche à étendre ses lianes dans d’autres régions de France pour répondre à l’explosion des brasseries artisanales dans le pays.
La moitié du millier de brasseries que compte aujourd’hui l’Hexagone n’existaient pas il y a cinq ans. Elles souhaitent pouvoir acheter près de chez elles les petits cônes ovoïdes qui permettent la conservation de la bière, et dont les pétales vert clair donnent, en infusant, son amertume et sa personnalité aromatique au breuvage mousseux.
« Depuis quelques années, il y a une grande émergence d’un désir de refaire des bières locales. Nous sommes très sollicités pour accompagner la création de houblon partout en France« , confirme Matthieu Luthier, du groupe alsacien Comptoir agricole.
96 % du houblon français est produit sur 440 hectares en Alsace, les 4 % restant étant localisés autour de Lille, en Flandre, près de la Belgique, selon lui.
« On est au début de la renaissance de la filière« , estime Pascal Chevremont, délégué général de Brasseurs de France, organisation qui représente 95% de la production française de bière.
Ainsi, dans la Drôme, département connu pour sa lavande ou sa clairette de Die, Emmanuel Feraa, jeune paysan-brasseur, ne souhaitait au départ que produire le houblon nécessaire à sa ferme-brasserie des Trois becs.
« Je devais planter à la base 2.000 mètres carré qui correspondent grosso modo à mes besoins annuels« , explique-t-il.
Mais lors d’une rencontre, le président de BIERA (Brasseurs indépendants en Rhône-Alpes) lui propose « de planter, à titre de pionnier de la filière, une parcelle beaucoup plus grande« , pour pouvoir proposer le précieux houblon aux producteurs de bière de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui concentre le plus grande nombre de brasseries artisanales en France (plus d’une centaine).
Plante fragile et coûteuse
Il a donc finalement planté un hectare (10.000 mètres carré) de houblon « Cascade », variété américaine qui donne son goût amer aux bières IPA (Indian Pale Ale) à la mode, au lieu des 2.000 mètres carré envisagés initialement.
Il compte bien l’adapter à sa région: « Il convient aujourd’hui d’avoir une démarche d’expression de terroir au travers de la bière » dit-il.
Pour faciliter les plantations, les brasseurs de BIERA ont préacheté sa récolte, en finançant ainsi une petite partie. Car le principal obstacle à l’expansion du houblon, c’est le coût: entre 30.000 et 50.000 euros d’investissement par hectare, notamment en machines, selon les sources.
De plus, cette plante fragile, qui craint les champignons et l’humidité, ne donne rien la première année et n’atteint son plein rendement qu’au bout de trois ans, si tout se passe bien.
« Il faut des régions où vous avez deux-trois brasseries qui ont atteint un niveau de taille régional et qui ont un volume d’affaires leur permettant d’apporter des contrats de filière« , explique Pascal Chevremont.
Sur les 1.000 brasseries françaises, 800 produisent moins de 300 hectolitres par an, selon Brasseurs de France.
Houblon dans le bois de Vincennes
En Rhône-Alpes, on produit environ 100.000 hectolitres de bière par an, contre 12 millions en Alsace (sur 20 millions en France), où se trouvent les brasseurs industriels, selon Pascal Chevremont.
Autre projet, encore à un stade expérimental, un partenariat conclu par la mairie de Paris pour cultiver du houblon et de l’orge bio et favoriser l’émergence d’une bière 100% parisienne.
« On leur a fourni des pieds de houblon qu’ils sont en train de cultiver dans le bois de Vincennes« , explique M. Chevremont.
Si cette bière de Paname n’a pas, dans un premier temps, vocation à être commercialisée, M. Chevremont évoque une possible utilisation par des brasseries implantées à Paris, « mais pour l’instant, on est vraiment dans la phase expérimentale« .
Les Alsaciens, qui se remettent tout juste d’une terrible crise, avec la rupture de contrat à la fin des années 2000 de leur plus gros client, tentent de créer de nouveaux houblons à même de séduire les petits brasseurs français.
Et le savoir-faire alsacien pourrait faire école un peu partout: en janvier, le comptoir agricole a organisé un premier stage de formation à la culture du houblon. Sur ses 26 stagiaires, six étaient alsaciens, les 20 autres de toute la France et de Belgique.
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