Strasbourg fait bloc derrière Neustadt


Lors de la réunion du comité du Patrimoine Mondial de l’UNESCO en juillet dernier à Cracovie, la ville de Strasbourg a obtenu une deuxième inscription au Patrimoine Mondial. Strasbourg avait déjà été inscrite au titre de la Cathédrale et de la vielle ville qui l’entoure, mais cette fois-ci, c’est au titre du quartier de Neustadt, un quartier que les Strasbourgeois ont souvent appelé « la ville allemande ».

Cette seconde inscription est en fait une extension de la première, ce qui a permis à la France de faire cette demande hors-quota. C’est ce que nous a expliqué Roland Ries, le maire de Strasbourg lors d’un déjeuner la semaine dernière, juste quelques jours avant la décision de la commission de l’UNESCO. Chaque pays ne peut présenter que deux candidatures chaque année, une concernant un site bâti (ville, monument…) et une pour un site naturel.

La France avait déjà sélectionné le Château de Chenonceau et le site de Taputapuatea en Polynésie. (Ils seront aussi tous les deux inscrits sur la liste du Patrimoine Mondial).

Mais la demande de Strasbourg pouvait être proposée hors quota car comme l’expliquait Roland Ries (photo), il ne s’agissait que d’agrandir le périmètre de l’inscription en y incorporant le quartier voisin de Neustadt.

Pour Roland Ries et toute l’équipe qui ont préparé ces dernières années cette demande (le dossier est impressionnant), il s’agissait de montrer une réalité historique et géographique méconnue de la ville, symbole d’un passé douloureux avec qui les Strasbourgeois se sont enfin réconciliés et dont la richesse patrimoniale représente aussi la preuve que la dimension européenne de Strasbourg n’est pas seulement liée aux institutions Européennes qui y ont basées.

Tout a commencé quand Strasbourg, ville frontière fut fortifié par Vauban, le génial architecte de Louis XIV. Toutes les terres situées au pied des bastions de la vieille ville, formèrent un glacis ou aucune construction ne fut tolérée.

Quand, après la défaite de 1870, l’Alsace fut annexée à l’Empire allemand, Strasbourg devint capitale régionale et le Kaiser choisit de détruire les remparts de la vieille ville et de construire un nouveau quartier le Neustadt sur le glacis pour développer la cité qui étouffait littéralement dans ses fortifications.

Contrairement au baron Haussmann qui à la même époque dut détruire et araser de nombreux bâtiments pour pouvoir créer le Paris que l’on connait, l’architecte Jean Geoffroy Conrath, un pur Strasbourgeois, put travailler sur un terrain vierge.

Rapidement il construisit un quartier monumental d’une centaine d’hectares avec le Palais du Kaiser (actuellement le Palais du Rhin), une Bibliothèque Impériale, une université, un immense Hôtel des Postes, de magnifiques Bains Municipaux et tous les bâtiments d’administration nécessaires. Et tout autour un immense quartier résidentiel de grands immeubles.

Tout cela dans un style assez germanique mélange de néo-renaissance, de néogothique et d’art déco sur un canevas de larges places et de grandes avenues se coupant à angle droit.

Mais pour donner une unité à la ville, une large avenue, la Grande-Percée fut ouverte pour relier le cœur de vieille ville, la Grande-Île et Neustadt qui n’étaient séparés que par la muraille et un petit bras de l’Ill.

Rendue à la France en 1918, Strasbourg fut incorporée contre son gré à l’Allemagne nazie de 1940 à 1944.

Mais durant ces deux conflits le quartier de Neustadt ne fut ni bombardé, ni détruit, contrairement à ce qui se passa en Allemagne. C’est pourquoi Neustadt est un des plus beaux ensembles complets de ce style architectural encore visible en Europe.

En combinant sa vieille ville et Neustadt dans le même patrimoine, Strasbourg veut montrer son double héritage français et allemand, pour être, comme le déclare Roland Ries un symbole de cette réconciliation qui fonde le socle de l’Union Européenne.

Et cela va permettre de faire découvrir ce quartier de Neustadt plein de charme et qui est jusqu’à présent quasiment totalement méconnu des touristes qui pourtant passent en nombre à une centaine de mètres de là.

Frédéric de Poligny





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